Peindre comme Delacroix ou les maîtres du début du XIXe siècle
La technique et les procédés de la peinture du XIXe siècle sont très intéressants. En effet, c’est à cette période que les artistes ont commencé à se détacher du formalisme académique en prenant de plus en plus de liberté, au détriment des règles techniques. A travers les coloris, les sujets et le traitement de la pâte. Les peintres de cette génération imposent peu à peu leur style personnel.
La palette
On parle de palette pour désigner le choix des coloris du peintre. Le choix qu’il fait et la manière dont il les dispose. Traditionnellement et de manière logique, les couleurs sont placées par ordre chromatique sur la palette. Elles sont placées sur les bords de la palette, les mélanges se faisant au milieu. Lire l’article sur ce sujet :
- Le blanc
- les jaunes
- les oranges
- les rouges
- les violets
- les bleus
- les verts
- les terres
- le noir.
Grâce à l’industrialisation du XIXe siècle, de nouvelles couleurs sont arrivées sur le marché suite à la création de nombreux pigments de synthèse, à des prix abordables. Permettant aux artistes d’enrichir les coloris de leurs œuvres.
La palette la plus courante à cette époque : Blanc / Vermillon / Ocre rouge / Terre de Sienne brûlée / Bleu de Prusse.
Pour les glacis : Laque de garance / Jaune indien / Bleu de Prusse / Noir d’ivoire. Peuvent éventuellement être rajoutés : Le bleu outremer ou cobalt / Ocre jaune / Noir de pêche.
Le bitume, une couleur brune, faisait partie de cette palette. Mais les peintres ont arrêté de l’utiliser à la fin du siècle car elle causait beaucoup de dégâts irrémédiables à l’oeuvre sur le long terme. Elle se crevasse inévitablement du fait qu’elle ne sèche jamais complètement. Delacroix, ayant fait un usage excessif de bitume lors de la création de son tableau La mort de Sardanapale, celui-ci a dû être restauré de son vivant.
Les peintres du XIXe siècle
La palette de J.A.D Ingres était composée de : Blanc d’argent / Ocre jaune / Ocre de ru / Terre de Sienne brûlée / Vermillon / Cinabre / Brun-rouge / Brun Van Dyck / Cobalt / Bleu minéral / Bleu de Prusse / Noir d’ivoire et laque de garance rouge.
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Quant à T. Géricault, l’ambiance qui régnait dans son atelier était très solennelle. Il faisait ses mélanges sur son oeuvre directement, et non sur la palette.
Un grand silence était nécessaire à M. Géricault, on n’osait ni parler ni remuer autour de lui, un souffle le troublait. Il peignait sans se reprendre, toujours le modèle sous les yeux, et cela nous étonnait qu’il se servît de pinceaux plutôt petits pour faire cette large peinture, et de voir comme sa palette restait propre… Soixante ans dans les ateliers des artistes. Dubosc modèle.
Peindre comme Eugène Delacroix
Eugène Delacroix (1798-1863) est considéré comme le peintre le plus talentueux de sa génération. Alors qu’il a reçu un enseignement traditionnel, il a su toutefois marquer par sa modernité.
Evolution des traditions
Selon la tradition, et notamment les écrits de Leonard de Vinci, la lumière au sein d’un portrait doit être en adéquation avec le caractère du modèle.
Par exemple, les visages maigres et osseux doivent être peints avec une lumière forte afin que les ombres dessinent bien les saillies et mettent en avant les arrêtes du visage. Au contraire pour les têtes rondes et « bien en chair », les lumière doivent exister que sur les bords, toujours légères afin de créer un modelé doux et de mettre en avant l’arrondi du visage. Sinon ce manquement nuit à la grâce et au caractère.
Cet enseignement d’ « idéalisation » et de mise en valeur de la nature a perduré jusqu’à la moitié du XIXe siècle.
A cette époque les peintres s’affranchissent des traditions, ils se permettent de peindre ce qu’ils voient et ce qu’ils pensent, et pas seulement ce qu’ils ont appris. L’observation de la nature est donc prisée.
Terminé le temps du clair-obscur, le travail des ombres devient beaucoup plus naturel.
Sa pratique, sa technique
- Delacroix réalise de nombreux dessins préparatoires et aquarelles de ses futurs compositions. Il étudie ses modèles et ses sujets dans leur mouvement et leur lumière.
- Par opposition à la méthode traditionnelle qui consistait à apprêter le support d’une préparation ocre rouge (imprimatur), les jeunes peintres du XIXe siècle décident de peindre sur des supports clairs afin d’augmenter la luminosité et ainsi éviter l’assombrissement des œuvres. Delacroix peint sur des toiles soigneusement préparées d’un enduit composé de colle et de chaux.
- L’ébauche est réalisée avec une peinture brune très diluée, partant du plus foncé au plus clair. L’ébauche est peu précise, elle sert simplement à mettre en place les masses d’ombre et de lumière.
- Son empâtement est particulier puisqu’il est épais dans les parties proches de l’observateur et s’amincissent en s’éloignant. Le premier est donc traité de manière spontanée et audacieuse, contrastant avec l’arrière-plan qui est crée de touches progressivement atténuées. La peinture devient de plus en plus floue en s’éloignant.
- Ensuite Delacroix rajoute les ombres par couches successives, parfois même quand la couche précédente est sèche. Il réalise des lignes de contours sur certains éléments du sujet afin d’arrondir les formes.
- Puis il applique grossièrement quelques détails ci et là avant de mettre quelques glacis. Ces rehauts sont appliqués avec une peinture brute, non-diluée (par frottis)
- L’étape ultime, celle du vernissage : le vernis final n’est appliqué qu’après plusieurs mois d’attente (au moins 6 mois), c’est le temps nécessaire à la peinture à l’huile pour se durcir. En savoir plus. Cependant, il existe un vernis temporaire qui fait très bien l’affaire ! Il protège l’oeuvre, ravive les couleurs et permet éventuellement de faire des retouches, il se nomme : vernis à retoucher ! En savoir plus.
Selon Xavier de Langlais (La technique de la peinture à l’huile), il n’y a pas de période plus triste techniquement que le XIXe siècle, cela est causé par la quantité phénoménale de craquelures présentes sur la plupart des œuvres majeures de cette époque. Notamment à cause de l’usage immodéré du bitume, par l’abus des repentirs (des repeints), qui aujourd’hui sont davantage visibles puisque l’huile en vieillissant devient transparente, ainsi que de l’usage excessif d’huile avec des vernis appliqués trop tôt.
Cette mauvaise pratique du métier n’est pas due à une méconnaissance car les peintres de cette époque ont tous reçu un enseignement académique, mais plutôt à une révolte de ce formalisme imposé par les codes académiques. Ces peintres, à ne pas vraiment respecter les règles techniques anciennes, ont ouvert le champ des possibles dans la manière de créer.
La théorie des couleurs par Chevreul en 1839 n’a fait que favoriser l’évolution de cette modernité. Ainsi les jeunes artistes avaient de bonnes raisons, non seulement de contredire les coutumes traditionnelles, mais également d’innover grâce à cette nouvelle compréhension de l’environnement.
Cette mouvance à permis d’élargir la création rapidement car dès le milieu de siècle sont apparus les Impressionnistes, faisant tomber définitivement l’Académie.
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Merci Jean-Michel pour cette correction ! La mise à jour a été faite.
À propos du tableau des palettes de peintres issu du livre de Petit, Roire et Valot, je peux me permettre d’apporter quelques précisions. Les auteurs l’ont tiré d’articles d’un certain Monsieur Painter parus dans les années 60 dans la revue « Pigments, peintures, vernis. » Mais une partie de ces données sont fausses ou incomplètes. Par exemple Derain a très abondamment utilisé les jaunes de chrome aux alentours de 1905-1907, dans sa période fauve, la plus célèbre aujourd’hui. Sa palette telle qu’elle figure dans le tableau ci-dessus (sans jaune de chrome) est en fait celle d’après-guerre, quand il était revenu à une sorte de technique « néoclassique » pour se rapprocher des anciens maîtres qu’il admirait tant. Je peux aussi assurer que Matisse a utilisé avec bonheur le violet cobalt, contrairement à ce qu’on lit ci-dessus. Je ne vais pas relever toutes les erreurs, mais vous aurez compris qu’il faut relativiser la portée de cet outil. Et je vais même vous révéler un petit secret: ce Monsieur Painter a – sans s’en vanter – recopié ses infos d’un livret publié en 1923 par Ch. Moreau-Vauthier et intitulé « Comment on peint aujourd’hui ». C’est ce qui explique notamment qu’il fasse l’impasse sur le blanc de titane alors qu’on sait le succès que ce pigment a eu à partir des années 1920-1930.
Voilà. Jacques Roire, que j’ai eu le plaisir de connaître et qui m’a aidé dans mes débuts, ne m’en aurait pas voulu de cette mise au point, bien au contraire j’en suis sûr. Et cela ne retire rien à la valeur du travail énorme accompli par l’équipe du PRV avec Annick Chauvel ni au caractère indispensable des ouvrages de référence qu’ils ont publiés et qui figurent en bonne place dans mon atelier.
Merci pour cette mise au point ! Vous m’avez l’air plutôt bien informé et en effet vous avez complètement raison, les recherches évoluant au fil du temps, les informations peuvent diverger selon les sources et fluctuer selon les époques.
Je vous remercie beaucoup. Cela fait très longtemps que je cherchais un site comme le vôtre qui parle de peinture et aussi de techniques. Grâce à vous je crois que j’ai enfin compris la règle du gras sur maigre. Je dois peindre plus gras la séance suivante mais tout ce qui est peint le même jour peut l’être avec le même diluant.
Bonne continuation
JGC
Exactement ! Merci à vous